Les Raspaud, de la Provence vers Toulouse … et le comté de Foix
Le premier chapitre de cette histoire commence au début du XIIIème siècle, avec Raymond VII, comte de Toulouse, dit aussi Raymond le jeune.
Information au lecteur : Sur l’ensemble du site « RASPAUD.COM » les faits, les dates et les personnages sont tous historiquement vrais. Seul le premier chapitre de cette page (De Beaucaire à Toulouse) fait exception et doit être considéré comme un « roman historique » ; la toile de fond est réelle mais plusieurs personnages sont fictifs même s’ils sont parfaitement plausibles et en cohérence avec les éléments historiques.
1 – De Beaucaire à Toulouse
– Adossé aux remparts de Beaucaire, ville qui l’a vu naître dix-neuf années plus tôt, le jeune comte de Toulouse1 est pensif. Il vient d’ôter cotte de mailles et casque ; sa longue chevelure blonde ondule sous la brise légère dans une atmosphère encore chargée de la poussière soulevée par les combats de la nuit. Il a passé de trop longues heures à hurler ses ordres aux lieutenants qui l’entouraient ; sa gorge est irritée et ses oreilles bourdonnent encore du vacarme de la bataille. Il cherche à apercevoir, sur l’autre rive du Rhône, les clochers de Tarascon, mais les rayons du soleil qui percent à travers la brume éblouissent ses yeux fatigués. Brusquement, les cloches du couvent des Cordeliers annonçant les laudes interrompent ses rêveries ; il se doit d’informer sans tarder son père des derniers événements.
Les orages qui pendant plusieurs jours ont déchiré le ciel de Provence ont rafraichi l’atmosphère et permettent enfin de mieux supporter la chaleur étouffante de ce mois de mai de l’an de grâce 1216 ; les pluies ont transformé les chemins en bourbiers, gonflé les ruisseaux et fait déborder le Gardon. Tout cela a retardé l’arrivée d’une partie des troupes du comte massées sur l’autre rive du Rhône, près d’Avignon et de Tarascon ; mais avant-hier, le mistral a nettoyé le ciel, la pluie a cessé, le Gardon est rentré dans son lit et l’armée de Raymond VII enfin rassemblée, a pu montrer sa force ; la victoire est là, et ce matin Raymond le jeune ne dissimule pas sa fierté ; la bataille fut acharnée, mais il a vaincu les troupes de Simon de Monfort ; il est entré ce matin dans les rues de Beaucaire pavoisées à ses couleurs, sous les acclamations d’une foule qui ne cachait pas sa joie. Lambert-de-Thury qui commandait la garnison a été contraint de se réfugier dans le château ; sa reddition est inéluctable : il est coupé des approvisionnements extérieurs et lorsque ses réserves de nourriture seront épuisées, il faudra bien qu’il se rende.
En effet, trois mois plus tard, le 24 août, Simon de Monfort se résoudra à abandonner définitivement Beaucaire ; ce sera sa première grande défaite qui précèdera sa mort deux ans plus tard et conduira en 1229 à la fin de la croisade des albigeois.
– Sans plus attendre le jeune comte fait quérir l’un de ses compagnons d’armes afin de porter les bonnes nouvelles à son père ; c’est Géraud qui sera le messager. Depuis quatorze mois Géraud Raspaud et son frère ainé Hugues se sont placés sous les ordres de Raymond VII qu’ils connaissent bien ; en effet Géraud et Raymond VII, qui ont le même âge, partagent également le même maître d’arme ; depuis cinq ans, chaque fois que Raymond est sur ses terres de Provence, ils s’entraînent ensemble, à proximité de Bonnieux.
– Le choix de Géraud n’est pas le fruit du hasard : il était convenu depuis plusieurs semaines, qu’à la demande du comte, Géraud allait maintenant s’établir à Toulouse. Sur sa route il pourra informer le vieux comte Raymond VI de cette victoire. Ce dernier a quitté la Provence deux semaines plus tôt ; il est maintenant à Narbonne en route vers l’Aragon où il va lever une armée afin de reprendre les possessions qui sont les siennes. En effet, bien que le Pape Innocent III ait confirmé à Raymond VI, lors du concile de Latran tenu en novembre dernier, son titre de margrave2 de Provence, Simon de Monfort refuse encore à ce jour de lui restituer ses terres.
– Hugues non plus ne retournera pas à Bonnieux ; il vient d’épouser à Sisteron, Antoinette de Carniol fille unique du vieux seigneur de Sigoyers, et ce dernier lui a demandé de prendre en charge ses domaines.
Avec leur engagement sous la bannière du comte, les deux frères avaient laissé leur père exploiter seul la fabrique de draps qu’il possède à Bonnieux, à quinze lieues de Beaucaire. Alors que ce commerce avait généreusement enrichi les Raspaud dans les années passées, depuis huit ans qu’a commencé la guerre des seigneurs du nord menée à la demande du Pape Innocent III et avec l’aval du Roi Philippe-Auguste, l’activité a faibli car le lin nécessaire à la fabrication des draps s’est fait plus rare ; en effet les troupes du nord incendient systématiquement les champs dès que la moisson est proche.
– Même si Géraud est fier de servir le comte, il a le cœur serré ; il quitte la Provence, terre de ses ancêtres où depuis plusieurs générations sa famille porte le même nom que le domaine qu’elle possède, le domaine de la Raspaude ; en effet depuis plus d’un siècle, depuis qu’en Provence, dans le comté de Toulouse, en Lombardie et en Toscane on a pris l’habitude d’attribuer le même nom à tous les membres d’une même famille et après que son grand-père ait adopté le nom «Raspaud», son père, son frère et lui-même portent ce même nom. On lui a dit que ce domaine de la Raspaude porte ce nom depuis plusieurs siècles, depuis qu’au début du Ve siècle, lors de l’invasion des Wisigoths, un chef portant le nom «Raspwald» avait défriché ce domaine.
– Géraud accompagné d’un autre miles3, Pons d’Avignon, qui a déjà fait plusieurs fois la route jusqu’à Toulouse, s’engage dans la direction de Nîmes où il couchera ce soir avant d’atteindre Narbonne deux jours plus tard … si tout se passe bien. Il quitte son frère ainé qui l’avait convaincu au début de l’année dernière, de s’engager au service de Raymond le jeune ; peut-être ne se reverront-ils pas ? Plus de cent lieues vont les séparer désormais puisque Géraud va s’établir définitivement à Toulouse pour participer à la fabrication des armes dont l’armée du comte a tant besoin.
C’est au grand galop qu’avec son compagnon ils franchissent les six lieues qui les séparent de Nîmes. Après avoir effectué une halte rapide à Narbonne où Géraud a pu annoncer au vieux comte que la victoire de Beaucaire avait été difficile à obtenir, mais que les troupes de Simon de Monfort avaient été écrasées, les deux compagnons poursuivent leur voyage vers Carcassonne. Le sixième jour enfin, depuis les collines de Saint-Orens, Géraud aperçoit au loin Toulouse, cette ville dont son père lui a si souvent parlé et qui, lui a-t-on dit, est aujourd’hui la troisième ville du monde chrétien après Rome et Venise4. Il n’a jamais été dans une cité d’une telle dimension et il est pris d’un vertige à l’idée d’habiter cette ville. Géraud et Pons sont à présent dans les faubourgs de Toulouse ; ils passent devant le château narbonnais, résidence des comtes de Toulouse, occupé depuis la fin de l’année dernière par Simon de Monfort, le chef de cette drôle de guerre que l’on appelle « croisade des Albigeois ».
– Géraud pénètre maintenant dans la demeure que Raymond le jeune a mis à sa disposition, dans le quartier du Pont Vieux. Dès ce soir, il rendra visite à Vital de Puybusque, une relation de son père, qui est venu l’année dernière à Bonnieux. Vital possède à Toulouse une fabrique de draps, comme celle du père de Géraud, et les deux fabriques, de Bonnieux et de Toulouse, sont en relation depuis de longues années.
– Dès demain Géraud rencontrera, comme le lui a demandé le comte, Sicard Garaud un marchand de Toulouse qui œuvre dans le commerce du fer et la fabrication des armes ; c’est avec lui qu’il doit s’associer. La semaine prochaine, Géraud accompagnera Sicard sur la route du comté de Foix où ils iront se procurer le fer nécessaire à la fabrication des armes pour l’armée du comte. Ces armes sont indispensables, car cette guerre contre les seigneurs du nord se poursuivra encore pendant 29 ans. En effet, malgré le traité de Meaux-Paris de 1229 qui prévoit le mariage de la fille unique de Raymond VII, Jeanne, avec le frère de celui qui deviendra Louis IX (Saint-Louis), traité qui met fin à la croisade des albigeois, les conflits entre le comté de Toulouse, la papauté et le roi de France ne prendront fin qu’en 1245. Ainsi à la mort de Raymond VII, en 1249, le comté de Toulouse, qui est alors cinq fois plus grand que le domaine royal de France, rejoindra ce dernier domaine qui prendra une nouvelle dimension.
– Géraud ne peut imaginer l’importance des rencontres qu’il va faire dans les prochains jours ; en effet la famille qu’il fondera trois ans plus tard se liera avec celles de ses connaissances récentes … et cela se prolongera pendant près de deux siècles, sur neuf générations. Soixante ans plus tard l’une de ses petites-filles épousera un Garaud et l’arrière-petit-fils de son arrière-petit-fils épousera encore une descendante de Sicard Garaud… et le fils de ce dernier épousera une Puybusque.
2 – Le commerce du fer
Un siècle et demi plus tard, dans la seconde moitié du XIVème siècle, les Raspaud sont désormais bien établis dans la ville de Toulouse. La peste qui, en 1348, a tué un tiers de la population, n’est plus qu’un sinistre souvenir même si de temps en temps, un cas apparaît encore. Les compagnies anglaises qui pendant des décennies ont ravagé les campagnes ont maintenant disparu et, en cette fin de siècle, la prospérité est revenue. Guilhem Raspaud est né vers 1370 à Toulouse. Vingt-cinq ans plus tard, son père étant probablement décédé, sa fortune est conséquente. Les affaires qu’il dirige sont nombreuses et extrêmement prospères ; il est changeur5 mais il fait aussi commerce de diverses denrées. Pour ses transactions hors de Toulouse il utilise, comme les autres commerçants de la ville, les comptoirs de change ; en plus de celui qu’il possède à Toulouse, il est en affaire avec un comptoir de Pamiers et avec un autre comptoir au-dessus de Foix, à Tarascon. Entre 1390 et 1420, il fait de très nombreux voyages entre Toulouse et le comté de Foix. Les routes ne sont pas sûres, mais les comptoirs de change lui permettent d’obtenir les sommes lui permettant de payer le fer qu’il achète dans le comté de Foix, sans avoir à transporter de sommes conséquentes sur lui. En outre, pour mieux rentabiliser ses déplacements, lorsqu’il le peut, il part de Toulouse avec des marchandises qui seront ensuite revendues à Pamiers ou à Foix. À l’insécurité qui règne sur les routes, s’ajoutent les problèmes créés par les péages que le comte de Foix et les seigneurs locaux perçoivent sur les transports de marchandises. Un traité datant de 1222 entre la ville de Toulouse et le comté de Foix prévoit pourtant que les Toulousains seront exonérés de ces péages, mais les fermiers généraux du comte de Foix connaissent mal ce traité, ou font semblant de ne pas le connaître ; les discussions sont souvent fastidieuses et il est fréquent que l’on soit obligé de payer si l’on veut passer. En février 1393, Guilhem et les transporteurs qui sont à son service seront obligés de débourser deux sols tournois et demi au péage de Saverdun ; un autre marchand, Pierre Raymond Borrel qui voyage avec Guilhem entre Toulouse et le comté de Foix, paiera lui aussi ; toujours en février de cette même année, Guilhem paiera de nouveau quinze sols à Pamiers et treize livres à Foix. Lorsqu’il faut payer, après s’être mis d’accord sur le montant du péage, le paiement se fait soit en marchandises, soit en pièces d’argent qu’il faut faire venir de Pamiers ou de Tarascon ; tout cela peut prendre deux ou trois jours. Ce sera le même problème en 1405 au péage de Pamiers. Mais cela ne gêne en rien la réussite financière de Guilhem qui, en 1398, est l’un des cinq plus gros changeurs de Toulouse et est l’un des deux principaux pourvoyeurs de fer de la ville. Il faut dire que depuis le début du XIVème, l’utilisation des moulines6 dans le comté de Foix a permis un développement exceptionnel du commerce du fer ce qui a décuplé la fortune des Raspaud.
3 – Guilhem Raspaud et Jean Garaud
En 1399, le jeune Guilhem unit son destin à celui de Bertrande, la fille de Pierre Garaud (Garaud ou Guiraud selon les actes), originaire du Rouergat. Ce dernier est peut-être le fils ou le neveu de la « veuve de Raymond Garaud » qui avait vendu vingt ans plus tôt son commerce de fer au père de Guilhem. L’année suivante, en 1400, naît Pierre Raymond Raspaud. Trente ans plus tard, alors que les liens commerciaux entre les Garaud et les Raspaud sont anciens, les deux familles vont maintenant se lier plus intimement. Jean Garaud qui a été capitoul en 1412, est co-seigneur de Colomiers et de Pibrac ; il n’a qu’un enfant, une fille, Géraude. Guilhem n’a qu’un fils, Pierre Raymond. En 1430 le mariage entre les deux enfants uniques est célébré. Bien que la fortune de Guilhem soit conséquente, celle de Jean Garaud est plus importante encore. Mais plus que la fortune, c’est la position sociale des Garaud qui surpasse celle des Raspaud. Les Garaud sont nobles depuis cinq générations, le père le grand-père et l’arrière-grand-père de Jean ont été capitouls ; ils possèdent en outre de nombreux domaines autour de Toulouse. Dans le contrat de mariage établi entre Guilhem Raspaud et Jean Garaud, il est stipulé que Pierre Raymond sera héritier universel de son beau-père et héritera ainsi de la noblesse attachée aux Garaud ; le contrat prévoit aussi qu’il renonce à son nom, adopte le nom « Garaud » et qu’il en sera de même pour ses descendants. Pierre Raymond Raspaud devient ainsi Pierre Raymond Garaud. Dans les actes notariés, son fils Pierre sera dénommé Pierre Garaud alias Raspaud ou parfois Pierre Raspaud alias Garaud (!). Ce qui est surprenant, c’est que les enfants de Pierre, alors que le grand-père Garaud est décédé depuis longtemps, reprendront le nom « Raspaud ». En effet Pierre, le fils de Pierre Raymond, avait épousé le 3 septembre 1476 Peyronne de Puybusque. Lorsque Jean de Puybusque, grand-oncle de Peyrone, était gérant de la Trésorerie Royale de Toulouse en 1432, il avait la charge de l’entretien des fortifications de la ville ; or en 1435 il avait été accusé d’avoir « détourné » des fonds. Détournement signifie mauvaise affectation des fonds ; effectivement, il avait utilisé une partie des fonds destinés à la réparation des fortifications, à un usage autre que celui qui avait été prévu, et cela, sans en informer préalablement l’ensemble des capitouls. Toute la famille Puybusque s’était sentie humiliée par cette accusation et Jean Garaud, le grand-père de Pierre, avait été l’un des accusateurs ; il était intolérable pour les Puybusque qu’un de leurs descendants porte le nom « Garaud » ce qui explique le retour au nom « Raspaud ».
4 – D’Azur au Lion d’Argent
Le couple Pierre et Peyronne va avoir cinq enfants, deux filles et trois garçons, et quatorze petits-enfants. Les trois fils de Pierre et Peyrone, Bertrand, Jean et Bernard vont entreprendre en 1530 la reconstruction du château des Raspaud à Colomiers. En effet, pendant la guerre civile qui a opposé les Armagnacs et les Bourguignons, le château qu’ils avaient reçu en héritage avait été incendié et pratiquement détruit.
– Pour traiter leurs affaires, les Raspaud habitent désormais à Toulouse rue des Polinaires, tout près de la rue de la Madeleine et de la rue des Paradoux où leur grand-père, Pierre Raymond, avait fait bâtir deux hôtels particuliers possédant chacun une tour capitulaire7. Leurs armes « D’azur au lion d’argent » figurent désormais au fronton de leurs demeures toulousaines, de leur château de Colomiers et dans l’église Sainte Radegonde de Colomiers, dans le cœur de laquelle se trouve leur sépulture familiale.
Les mariages des enfants de Pierre se feront tous avec des familles de notables de Toulouse. Jean va épouser Bertrande Ynard, fille d’Antoine Ynard, écuyer, et Bernard va épouser en premières noces Catherine de Bonvillar fille de Gaillard de Bonvillar, seigneur de Saussens, puis en secondes noces, après le décès de Catherine, Eudoulcie Maynard. Le troisième frère, Bertrand épousera Isabeau Doulce. Les Raspaud, qui ont maintenant accédé à la noblesse, font partie de l’aristocratie toulousaine ; ils sont, entre autres, co-seigneurs de Colomiers et ont le privilège de partager cette seigneurie avec le roi de France. En effet, le 10 février 1318, le roi Philippe V le Long a signé avec le co-seigneur de l’époque, l’acte de paréage définissant que désormais les droits féodaux attachés à Colomiers sont indivis entre le roi et le co-seigneur, la moitié pour le roi et l’autre moitié pour le co-seigneur. Les Raspaud nouent maintenant des alliances avec les familles les plus puissantes et les plus prestigieuses de la ville : les Robiane, les Rességuier, les Vinhes, les Hébrard, les Villeneuve, les Goyrans, les Puybusque ; mais ils nouent aussi de nombreuses alliances dans le comté de Foix et dans toute la région toulousaine : ils s’allient avec les Usson proches du roi de Navarre, les Falga, les Bonvillar, les Comines, les de Nos, les du Faur, … Plusieurs petits-enfants de Pierre entreront dans les ordres religieux ; Arnaud sera bénédictin, Jérôme sera chanoine et archiprêtre, un autre Jérôme sera lui aussi chanoine et archiprêtre de cathédrale. Avant leur mariage, les filles sont dans des couvents. D’autres petits-enfants de Pierre8 seront militaires comme Louis, au service du roi, ou Antoine au service de Toulouse. En 1562, lors du déclenchement des guerres de religions et alors que les protestants ont pris le pouvoir à Pamiers, le chanoine Jérôme Raspaud parvient à faire entrer les troupes catholiques dans la ville en ouvrant les portes du couvent des Augustins. Mais douze ans plus tard, en 1574, la ville de Pamiers est retombée entre les mains des protestants. En juin de cette même année, le frère de Jérôme, Antoine Raspaud (ou de Raspaud) qui est capitaine des troupes de Toulouse, reprend la ville aux protestants et le 20 juin il est nommé capitaine-viguier de Pamiers. En décembre de cette même année Antoine devient capitoul de Toulouse. Quelques années plus tard, il obtient que son second fils, Jérôme le jeune, succède à son oncle (qui porte les mêmes nom et prénom) comme archiprêtre, chanoine de cathédrale, et archidiacre de Pamiers. Ce dernier va être chargé de la gestion d’une grande partie des biens de l’Eglise du diocèse.
– En 1582, Antoine de Raspaud est au faîte de sa gloire ; en effet, il vient de remporter plusieurs victoires sur les armées protestantes dans le Lauragais, près de Castelnaudary et au nord de Castres. Ces succès lui valent le surnom de « Capitany », nom qui sera donné à une métairie qu’il possède à Colomiers9. En septembre, il va unir son fils Jean-Jacques, à Jeanne de Villeneuve, fille de Géraud de Villeneuve descendant des barons de Villeneuve, très ancienne famille liée aux comtes de Toulouse. Toute la noblesse du Lauragais sera présente aux noces célébrées au château de la Croisille le 9 septembre 1582.
– Le plus jeune fils de Jean-Jacques, Jean-Gabriel sera reçu Chevalier de l’Ordre de Malte en 1608 ; en août 1615 il accompagnera le Chevalier de Vendôme10 à Malte pour participer à la défense de l’île contre les Turcs. Il aura par la suite, une charge dans la commanderie de Gap (probablement Gap-Francès, sur le Mont Lozère).
– Au XVIIe siècle, la famille s’est élargie et les héritages, parfois compliqués, ont dispersé les Raspaud et leurs domaines. En 1634, Jeanne de Villeneuve, veuve de Jean-Jacques de Raspaud, son fils Jean-Gabriel de Raspaud et sa belle-fille, veuve de Marc-Antoine de Raspaud, vendent ensemble aux Rabastens une grande partie des parts qu’ils possèdent à Colomiers. En 1647, après la perte d’un procès contre leurs cousins les Goyrans, les Raspaud n’ont plus aucune part de Colomiers.
5 – Une branche ariègeoise11
(Une branche parmi beaucoup d’autres)
Dès 1550 la présence de Jérôme, chanoine sacristain de cathédrale, archiprêtre puis archidiacre auprès de l’évêque, a poussé plusieurs Raspaud à venir s’installer autour de Pamiers, ville qu’ils connaissent depuis longtemps puisqu’à la fin du XIVème siècle les Raspaud commerçaient déjà avec Pamiers lorsqu’ils s’étaient enrichis dans le commerce du fer entre Toulouse et le comté de Foix. Ainsi, les Raspaud ont été présents à Pamiers aux XIVe et XVe siècles avec Guilhem Raspaud et son fils Pierre-Raymond ; au XVIème et XVIIème siècles avec les deux Jérôme et avec Antoine, le Capitany. En 1595 l’alliance de Françoise de Raspaud née au Mas d’Azil, avec Tristan d’Usson dont le fils, François d’Usson sera seigneur de Bonnac, commune limitrophe de Pamiers, contribue un peu plus à l’ancrage de la famille dans cette région. Au tout début du XVIIème siècle la position de Jérôme le jeune, chanoine, archiprêtre de la cathédrale de Pamiers puis archidiacre, contribuera encore à faciliter l’implantation de nouveaux membres de sa famille autour de cette dernière ville. Générations après générations les Raspaud vont se disperser autour de Toulouse, de Pamiers, dans l’ensemble du comté de Foix et en Roussillon. Pierre, fils de Jean-Jacques de Raspaud et petit-fils d’Antoine, le Capitany, va épouser près de Mirepoix, Jeanne-Marie d’Auriol, fille de Paul d’Auriol, chef de la milice de Mirepoix. Jeanne-Marie apporte par son mariage les terres et fiefs provenant de la famille d’Auriol à Castelnaudary, Gaja, Laurac, Labastide d’Anjou, Mas Saintes Puelles et Mireval. Pierre et Jeanne-Marie auront quatre filles, mais Jeanne-Marie décédera très jeune. Pierre entretiendra alors une nouvelle relation qui donnera naissance, en 1645, à Jean12. Pierre donnera son nom à ce fils né trois ou quatre ans après le décès de son épouse, mais il cherchera surtout à « protéger » les futurs mariages de ses quatre filles issues de son union légitime. Celles-ci sont alors âgées, lors de la naissance de Jean, de dix ans pour la plus jeune et vingt ans pour l’ainée. Pierre décide tout naturellement que lors de son décès, seules ses filles hériteront. Cependant il transmet probablement des biens importants à son fils Jean puisque ce dernier sera surnommé Rié ce qui signifie, en vieil occitan, riche. Jean a vingt-quatre ans lorsqu’il épouse, en mai 1669, Gabrielle Bugnas à La Bastide-de-Sérou. Ils auront quatre enfants qui seront tous dotés de terres lors de leur mariage13 ; viennent-elles directement de leur grand-père Pierre ? Nous n’avons pas la réponse à cette question et nous n’avons pas retrouvé de trace de Pierre à proximité immédiate de La Bastide de Sérou. Cependant nous savons que les Raspaud de Colomiers étaient présents depuis longtemps à proximité de La Bastide de Sérou puisque Françoise de Raspaud est née vers 1570 au Mas d’Azil, à 9 kilomètres de La Bastide de Sérou. La possession de ces terres par les Raspaud remontait peut-être à plusieurs générations ? – L’un des enfants de Jean, Elie (ou Hélier), aura lui-même douze enfants dont neuf garçons qui vont « faire souche » dans l’Ariège. Elie est Maître charpentier de même que son fils Jean qui épouse le 25 février 1767 Marie Clarac, à Pamiers. Louis, le fils de ce dernier couple, possède lors de son décès le 14 janvier 1844, de très nombreuses terres, des bâtiments et une auberge à Loubens. Louis aura six enfants et dix-sept petits-enfants. Plusieurs de ses enfants, qui sont tous installés à Loubens14, exploiteront les terres et les bois dont ils héritent. Les uns exploiteront les terres argileuses pour la fabrication de tuiles et briques, les autres exploiteront les terrains calcaires pour la fabrication de chaux. Tous les petits-enfants de Louis vont naître à Loubens. L’un de ses petits-enfants, qui porte aussi le prénom Louis, est chaufournier ; c’est le père de Pierre-dit-François né en 1882, à Loubens. Ce dernier aura lui-même deux fils Louis et Marcel nés au début du XXème siècle …….
- Le comte de Toulouse dont il est question ici est Raymond VII dit aussi Raymond le jeune. ↩︎
- La Provence dépendait du Saint Empire Romain Germanique où le titre de margrave était l’équivalent de comte. ↩︎
- Un « miles » est un chevalier ou un militaire. (Il est dans le métier des armes.) ↩︎
- Toulouse avait alors une population de près de 25000 habitants, comparable à celle de Paris. A la même époque Lyon avait moins de 10000 habitants, Marseille moins de 20000 et Bordeaux ne deviendra véritablement une ville qu’à la fin du XIIIème siècle. ↩︎
- Changeur, c’est-à-dire banquier. ↩︎
- La mouline est une forge hydraulique de réduction directe utilisée pour la fabrication du fer à partir du minerai. Cette technique innovante a bouleversé, au début du XIVème siècle, les conditions traditionnelles de production du fer et a permis autour des mines de Vicdessos (dans les montagnes du comté de Foix) le développement extrêmement rapide d’une production assurant largement les besoins régionaux et au-delà. ↩︎
- Les capitouls jouissaient du privilège de pouvoir ériger, dans leurs hôtels particuliers, une tour qui dominait la ville. ↩︎
- Les détails concernant la généalogie, peuvent être consultés dans le chapitre « Un site de généalogie ». ↩︎
- Au XXIe siècle le domaine de cette ancienne métairie est maintenant occupé par les usines de construction d’Airbus et le nom « Capitany » a été donné à un ensemble sportif de la ville de Colomiers. ↩︎
- Alexandre de Vendôme dit « le chevalier de Vendôme » était le fils illégitime d’Henri IV et Gabrielle d’Estrées ↩︎
- Voir aussi le chapitre « Les Raspaud autour de Pamiers » ↩︎
- L’acte de naissance (acte de baptême) de Jean n’a pas été retrouvé (les registres d’actes de baptême dans l’Ariège et dans l’Aude, antérieurs à 1650 comportent de nombreuses lacunes). Cette filiation qui reste à confirmer est hypothétique. Elle est le résultat du travail d’un généalogiste professionnel ; elle résulte d’un raisonnement logique, Pierre étant alors le seul Raspaud susceptible d’être le père de Jean, dans un rayon de plus de 50 km. Cette hypothèse pourrait être remise en cause par la découverte de nouveaux documents, en particulier de documents relatifs aux descendants des oncles, neveux et cousins des deux Jérôme Raspaud, descendants qui sont très nombreux dès le XVIème siècle dans la région de Pamiers, la Bastide de Sérou et le Mas d’Azil. Ce qui complique les choses c’est que lorsque ces descendants se sont installés autour de la Bastide de Sérou ou du Mas d’Azil, leur patronyme a été déformé en « Respaud ». ↩︎
- Le surnom « Rié » sera porté par deux de ses fils et au moins l’un de ses 25 petits-enfants. ↩︎
- Loubens est situé à 5 kilomètres à vol d’oiseau de Pamiers. ↩︎